Loin, plus loin que les 30 ans de la Forge de Laguiole, nous vous proposons de vous replonger dans l’histoire du plateau de l’Aubrac et de cette vie souvent rude qui a donné aux femmes et aux hommes de l’Aveyron des valeurs et une capacité d’adaptation uniques. Retrouvons-nous au XIXe siècle, période pas si lointaine à l’échelle du temps mais à mille lieux des habitudes d’aujourd’hui.
A l’époque la notion de réchauffement climatique n’étaient pas dans les consciences et les hivers restaient rudes. Les routes enneigées empêchaient quelque déplacement, et les paysans vivaient des cultures et des productions fromagères constituées durant les saisons chaudes. N’empêche, la notion de survie prenait parfois tout son sens suite à de mauvaises récoltes synonymes de pénuries hivernales. Situations difficiles qui ont poussé bien des familles à monter à la capitale pour livrer le charbon et servir le vin. Solidaires, elles envoyaient au pays une partie de l’argent gagné et ont contribué à empêcher la désertification rurale. La notion de café était née et avec eux une caste extrêmement puissante aujourd’hui encore : les Aveyronnais de Paris.
L’avènement des couteaux laguioles permettra d’offrir une diversification dès 1829 avec la création du premier pliant sous l’égide de Casimir-Antoine Moulin, forgeron. Ce laguiole droit, doté d’une mouche sans décor, se distingue par son ressort à cran forcé. Quelques années plut tard Pierre-Jean Calmels perfectionne y ajoutant un poinçon pour répondre aux besoins des bergers. C’est à leur intention qu’est également cloutée la croix du berger. Laguiole devient la capitale du couteau et la rue du Valat était justement surnommée la rue des Couteliers. Au fil des ans, le laguiole s’affine et gagne en élégance avec sa lame yatagan. Et en 1880, pour accompagner les cafés aveyronnais qui se développent à Paris, un sommelier est ajouté. Mouche stylisée et ressort décoré viendront parfaire l’objet pour lui offrir la forme que l’on retrouve aujourd’hui.
Rendez-vous de la convivialité mais surtout du commerce, les foires animent le plateau de l’Aveyron plusieurs fois par an. Au XIXe siècle, les foires étaient l’occasion de se retrouver, d’échanger mais aussi d’acheter les produits rares et vendre le fruit de ses récoltes et de ses élevages. Aujourd’hui encore, si les foires de Laguiole sont moins nombreuses que naguère (le concours de race Aubrac en automne et le Festival des Bœufs Gras de Pâques 3 semaines avant Pâques restent incontournables) le rituel de la négociation autour d’un animal convoité est immuable entre l’éleveur et le maquignon, reconnaissable à sa blouse noire. Transaction qui se terminera inévitablement par une tape dans la main… marché conclu !
L’introduction de la race aubrac sur le plateau aveyronnais a révolutionné la notion d’élevage. Ces vaches, aussi courues pour leur viande que leur lait, ont accompagné les paysans vers les hauteurs, dès les beaux jours revenus, armés de leurs couteaux laguiole direction les plateaux verts et bleus avec la transhumance avec pour point de destination les burons, lieux d’hébergement pour les éleveurs et les bergers mais aussi de production du fromage. A la fin du XIXe siècle, on comptera jusqu’à 300 burons sur le plateau de l’Aubrac.
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